Basรฉ sur l’histoire orale de 2017 de Ginger Thompson, “Comment les รtats-Unis ont dรฉclenchรฉ un massacre au Mexique”, “Somos.” raconte l’histoire d’une tuerie de 2011 ร Allende, dans l’รtat mexicain de Coahuila, ร environ 40 miles de la ville frontaliรจre texane d’Eagle Pass. (La pรฉriode fait partie du titre, pour une emphase existentielle dรฉclarative : “Nous sommes.”)
En 2018, les enregistrements et les reportages de Thompson, initialement copubliรฉs par ProPublica et National Geographic, sont devenus la base d’un podcast Audible, “The Making of a Massacre”, qui a รฉgalement utilisรฉ des acteurs et des soulignements thรฉรขtraux. Crรฉรฉ par James Schamus, le fidรจle scรฉnariste d’Ang Lee (“La tempรชte de glace”, “Tigre et Dragon”, “Hulk”, etc.) et รฉcrit en collaboration avec la scรฉnariste mexicaine Monika Revilla (Netflix “The House of Flowers”) et la romanciรจre Fernanda Melchor (“Hurricane Season”), “Somos.” est franchement fictif dans sa quรชte de la vรฉritรฉ – une tentative de reprรฉsenter l’esprit de la chose, sinon la lettre.
La version courte est que, ayant obtenu des renseignements internes sur les dirigeants du cartel mortel des Zetas, la Drug Enforcement Administration a partagรฉ des informations avec ses homologues mexicains, qui les ont transmises aux dirigeants eux-mรชmes, les frรจres Miguel et Omar Treviรฑo. Alors que les trafiquants qui avaient fourni les informations s’enfuyaient de l’autre cรดtรฉ de la frontiรจre avec 5 millions de dollars d’argent des Zetas, des gangs sont arrivรฉs ร Allende et ont enlevรฉ et tuรฉ toute personne soupรงonnรฉe de trahison, ainsi que les membres de leur famille et les personnes qui se trouvaient sur leur chemin. Ce n’รฉtait pas une frappe chirurgicale mais un bรฉlier.
Prรฉsentรฉ mercredi sur Netflix, “Somos.” suit les lignes de cette histoire, mรชme s’il les complรจte avec des personnes et des intrigues inventรฉes. La plupart des personnages impliquรฉs sont confrontรฉs ร des problรจmes quotidiens qui, sans le deus ex historica qui les attend dans le dernier des six รฉpisodes de la sรฉrie, pourraient soutenir un drame qui n’a rien ร voir avec un massacre. Une sรฉrie naturaliste d’intรฉrรชt humain se dรฉroulant dans une petite ville mexicaine n’est probablement pas une sรฉrie que Netflix ouvrirait le mรชme jour dans “plus de 190 pays”, comme “Somos”, si tant est qu’il saute sur l’occasion d’en faire une. Il n’en reste pas moins que ce film va ร l’encontre d’une tendance de longue date dans les histoires de trafic de drogue en s’intรฉressant de prรจs aux victimes plutรดt qu’en glorifiant les bourreaux, et cela mรฉrite en soi d’รชtre saluรฉ.
La nature du matรฉriau source combinรฉe ร la nature de la rรฉalisation d’images animรฉes assure presque que “Somos. ” s’inspirera des tropes des westerns d’Hollywood (et du Nouvel Hollywood) : la ville criblรฉe de corruption ; l’รฉleveur qui ne veut pas cรฉder sa propriรฉtรฉ et qui voit ses clรดtures coupรฉes et son bรฉtail mystรฉrieusement malade ; les vieilles รขmes nobles qui font un dernier combat contre un nouveau monde dur, fusils ร la main ; le bordel ou le saloon, oรน se prรฉlassent les sbires d’un puissant mรฉchant ; un beau mรฉchant, corrompu derriรจre un vernis de respectabilitรฉ, qui fait des avances ร une hรฉroรฏne ; l’honnรชte fonctionnaire qui essaie de faire son travail face ร leurs menaces et qui tombe de haut lorsqu’il รฉchoue ; la scรจne de fรชte joyeuse alors que les assaillants arrivent ; une silhouette solitaire poussant un chariot dans une rue vide juste avant que tout n’explose. Il ne manque plus que l’amarante.
Schamus a fait appel ร des acteurs non professionnels pour plusieurs rรดles importants, et leurs performances contenues renforcent l’intention apparente de garder les choses discrรจtes aussi longtemps que possible. Parmi les amateurs, il faut noter Jimena Pagaza dans le rรดle de Nancy, une รฉcoliรจre pleine d’entrain qui a la tรชte sur les รฉpaules, des pensรฉes modernes dans la tรชte et un don pour botter des buts sur le terrain ; Jesรบs Sida dans le rรดle de Paquito, une sorte de simplet malchanceux de la ville ; Natalia Martรญnez dans le rรดle d’Aracely, la mรจre de son enfant ; et Salvador Montenegro dans le rรดle de Silverio, le fidรจle contremaรฎtre du ranch. En gรฉnรฉral, les femmes font une plus forte impression ; c’est un thรจme de la sรฉrie que les hommes sont des problรจmes.
Photo d’illustration des personnages de “Selena”, “Queen of the South”, “Vida” et “One Day at a Time”.
D’aprรจs l’article de Thompson et d’autres rapports, il semblerait que l’intรฉgration du cartel et de la ville รฉtait plus complexe que reprรฉsentรฉe ici, oรน les bons et les mauvais personnages tombent la plupart du temps d’un cรดtรฉ ou de l’autre de la ligne. Dans le rรดle d’Hรฉctor Moreno, un cadre intermรฉdiaire criminel contraint de travailler pour la DEA, Armando Silva donne un peu d’ampleur, et mรชme d’humour, ร son rรดle, mais on ne le prendrait pas pour un hรฉros, tandis que Jero Medina est sympathique par intermittence dans le rรดle de Benjamin, le fils sans but de l’รฉleveur Isidro (Fernando Larraรฑaga) qui trรฉbuche ivre de part et d’autre de la ligne. Du cรดtรฉ positif, Iliana Donatlรกn et Arelรญ Gonzรกlez font un travail remarquable dans le rรดle des sลurs Irene et Erika, respectivement, dont le travail (services d’urgence, vรฉtรฉrinaire) les relie ร la grande histoire, et Mercedes Hernรกndez dans le rรดle de la mรจre d’Aracely, Doรฑa Chayo, une vendeuse de charrettes qui voit mais n’est pas vue. Parce que l’on sait dรจs le dรฉpart que de mauvaises choses vont se produire – c’est รฉcrit sur la carte titre qui ouvre la sรฉrie et qui nous donne un avant-goรปt de ce qui nous attend avant de revenir un peu en arriรจre – on croise les doigts pour que les personnages que l’on aime, et ils sont nombreux, sortent vivants de la sรฉrie.
Rรฉalisรฉe par รlvaro Curiel et Mariana Chenillo, avec une photographie nette d’Ignacio Prieto, la sรฉrie est ร la fois bien construite et lรฉgรจrement moins convaincante. Quand Une histoire vraie qui doit รชtre racontรฉe rencontre Ceci ferait un grand film, c’est toujours le film qui l’emporte. Et bien que l’article et la mini-sรฉrie s’appuient tous deux sur le fait que rien de tout cela ne serait arrivรฉ sans la mauvaise dรฉcision d’un fonctionnaire amรฉricain, cette thรจse est faiblement dรฉfendue ร l’รฉcran – ou, contrairement ร la plupart des autres รฉpisodes de la sรฉrie, trop fortement dรฉfendue – et sapรฉe par un Bad Boss caricatural (Dave Collins) qui prononce les “l” d’Allende ร la maniรจre d’un vilain Amรฉricain.
Le final est rude, bien que la mort et la destruction se dรฉroulent pour la plupart ร distance ou hors-champ ; les cinรฉastes ont la sagesse de ne pas surjouer la violence. Ils n’en ont pas besoin, aprรจs une accumulation de cinq รฉpisodes. Parce que “Somos.” ne se rรฉsout pas, mais cesse simplement, comme un coup de feu, on peut se demander ce que nous avons appris ici, ร part qu’une bonne personne ne peut pas faire grand-chose face ร une armรฉe armรฉe de fusils et de machettes. Et, sans vouloir manquer de respect au dur labeur de ceux qui l’ont mis en place, on peut se sentir heureux que ce soit terminรฉ.