Moins radicale qu’une Enzo, plus lourde qu’une Carrera GT, la Mercedes-Benz SLR McLaren a longtemps été jugée à côté de la plaque. Vingt ans plus tard, sa cote grimpe, son aura s’impose. Et si l’échec tant décrié était en réalité une réussite incomprise ?
Une supercar hors-norme née d’un couple improbable
La genèse de la SLR commence en Formule 1. Mercedes motorise McLaren, l’équipe performe, et l’idée d’une voiture commune de route voit le jour. Mais les deux marques n’ont pas la même vision : McLaren veut une voiture légère, radicale, inspirée de la F1. Mercedes veut une GT ultra-puissante, confortable, utilisable au quotidien.
Ce tiraillement accouche d’une auto fascinante, mais difficile à classer. Une supercar avant-gardiste, à la silhouette interminable, qui ne ressemble à rien d’autre. Et c’est bien là tout le paradoxe.
Un moteur AMG compressé pour un rugissement de GT
Sous son capot démesuré, la SLR cache un V8 AMG 5.4 litres à compresseur mécanique. Une mécanique bestiale : 626 ch, 780 Nm, 0 à 100 km/h en 3,8 secondes, et plus de 330 km/h en pointe.
Mais au lieu du hurlement d’un V10 ou des montées en régime explosives d’un V12 Ferrari, le V8 SLR gronde, souffle, assène sa force dans un confort presque inquiétant. Avec sa boîte automatique à 5 rapports, elle enchaîne les vitesses comme une muscle car haut de gamme. Ce n’est pas un scalpel. C’est un marteau de velours.
Carbone, freinage d’exception, aéro active : la technologie de l’ombre
La SLR est à la pointe de la technologie en 2003, mais peu l’ont vraiment remarqué. Monocoque en fibre de carbone, freins carbone-céramique, aérofrein arrière actif, radiateurs latéraux XXL, capot avant intégral en carbone : rien n’est laissé au hasard.
C’est une voiture pensée pour rouler très vite, longtemps, et en toute stabilité. Mais parce qu’elle n’était pas extrême sur circuit, certains ont cru à de la paresse d’ingénierie. En réalité, la SLR visait autre chose : la performance sur route rapide, avec une aisance de conduite et une stabilité à très haute vitesse que peu de supercars savent encore égaler.
Face à l’Enzo et à la Carrera GT : une incomprise volontaire
L’Enzo était une œuvre d’art en carbone brut. La Carrera GT, un missile sans filtre. À côté, la SLR semblait presque sage. Trop lourde, trop douce, trop automatique ? Peut-être. Mais c’était ignorer son ambition : ne pas être une voiture de pilote, mais une voiture de milliardaire pressé.
Une sorte de Concorde terrestre, capable d’engloutir l’Europe en une journée. C’est cette approche unique, à mi-chemin entre l’aviation et la GT, qui l’a rendue difficile à juger à l’époque — et qui fait aujourd’hui sa force, à l’heure où beaucoup regrettent l’âme des anciennes supercars.
722, Stirling Moss et GT : les métamorphoses d’une vision
Mercedes et McLaren n’en sont pas restés là. Très vite, la SLR donne naissance à des variantes : la 722 Edition (650 ch, châssis affûté), la version GT pour circuit, le roadster, et surtout la légendaire Stirling Moss (barquette sans pare-brise, produite à 75 exemplaires).
Ces déclinaisons montrent que le châssis avait du potentiel, et qu’avec un peu plus de folie, la SLR savait parler aux puristes. C’est aussi grâce à elles que la voiture est aujourd’hui redécouverte par une nouvelle génération de passionnés, bien plus attentive à ce qu’elle représente.
D’échec à icône : la revanche silencieuse d’une supercar incomprise
Aujourd’hui, la SLR McLaren vaut parfois plus qu’une Carrera GT sur certains marchés. Les 722 s’envolent, les Stirling Moss dépassent les deux millions. La presse spécialisée réévalue sa copie. La cote grimpe, les essayeurs la redécouvrent.
Ce qu’on croyait être une erreur de casting s’avère être une œuvre singulière, produite à la main, entre deux mondes — celui du circuit et celui du luxe. La SLR n’a pas raté sa cible : elle en a simplement créé une nouvelle. Et ça, seule une vraie légende en est capable.
Jugée trop lourde, trop confortable, pas assez radicale, la Mercedes-Benz SLR McLaren a longtemps souffert de la comparaison avec ses rivales. Pourtant, avec son moteur AMG compressé, sa technologie de pointe et son style de torpille intercontinentale, elle incarne une autre vision de la supercar. Celle de la vitesse sans brutalité. De l’élégance sans compromis. Vingt ans après, l’échec annoncé s’impose comme une évidence : la SLR était simplement en avance sur son temps.