On peut soutenir qu’aucun studio, distributeur ou sociรฉtรฉ de production n’a eu un plus grand impact sur le genre de l’horreur au cours de la derniรจre dรฉcennie que A24. Bien que Blumhouse Productions de Jason Blum puisse รฉgalement revendiquer cet hรฉritage, ce qui est remarquable avec A24, c’est que la sociรฉtรฉ n’a pas de style ou de formule maison particuliรจre pour ses sorties indรฉpendantes, qui sont dirigรฉes par des cinรฉastes. Et pourtant, les mots “film d’horreur A24” font penser ร des mots comme “bizarre”, “dรฉcalรฉ” et “troublant”. Ils sont souvent ร รฉbullition lente et sont presque toujours accueillis par des critiques cรฉlรฉbrant la qualitรฉ.
Chaque film d’horreur de A24 est diffรฉrent, mais ils revendiquent nรฉanmoins une mystique qui, en moins de 10 ans, a aidรฉ certains critiques ร affirmer de faรงon douteuse que les annรฉes 2010 รฉtaient “la dรฉcennie de l’horreur รฉlevรฉe”. Personnellement, nous n’adhรฉrons pas ร la thรฉorie selon laquelle l’horreur est un systรจme de castes de crus “รฉlevรฉs” contre des eaux grasses moins chรจres. Cependant, nous sommes ravis qu’A24 et d’autres sociรฉtรฉs aient fourni des voix uniques capables de rรฉvรฉler des interprรฉtations profondรฉment artistiques de l’horreur cinรฉmatographique. C’est pourquoi nous rendons hommage aux crรฉateurs indรฉpendants en classant leurs meilleurs (et parfois moins bons) thrillers et chillers.
Alors asseyez-vous et rejoignez-nous pour une liste votรฉe par nos critiques et nos aficionados de l’horreur.
18. Tusk (2014)
Nous commenรงons notre compte ร rebours avec le rare film d’horreur TO qui ne vient pas d’un nouveau point de vue, mais d’un ancien favori. Voix dรฉterminante de la comรฉdie et du cinรฉma indรฉpendant dans les annรฉes 90, Kevin Smith a quittรฉ les studios au dรฉbut des annรฉes 2010 pour s’essayer ร l’horreur. J’aimerais pouvoir dire que les rรฉsultats ont รฉtรฉ meilleurs que ceux de Tusk, mais cette tentative dรฉprimante d’horreur corporelle pourrait รชtre le point culminant de ses derniers films de monstres.
Conรงu ร l’origine comme une blague sur le podcast Smodcast de Smith, le film fini est tout aussi apathique et dรฉcousu qu’une diatribe alimentรฉe par les mauvaises herbes. Ce n’est pas que le film manque de talent. Justin Long est un podcasteur intelligent du nom de Wallace Bryton, qui a voyagรฉ au Canada pour trouver des excentriques ร interviewer et dont il se moque, mais qui obtient plus que ce qu’il avait prรฉvu lorsqu’il se retrouve chez Howard Howe (Michael Parks). Toujours ร l’affรปt des paysages, Parks donne plus de poids ร la matiรจre qu’il ne le mรฉrite en tant qu’homme renfermรฉ, obsรฉdรฉ par l’idรฉe de recrรฉer ร partir d’un sujet humain le morse qui lui a sauvรฉ la vie un soir de neige ร la suite d’un naufrage. Les effets de maquillage qui en rรฉsultent sont grotesques, mais le film trรฉbuche sur leurs rรฉvรฉlations comme un comรฉdien de stand-up qui a oubliรฉ les rรฉpliques.
C’est un rรฉcit bizarre et rรฉpugnant, qui ne peut mรชme pas รชtre sauvรฉ par l’accent canadien-franรงais, certes amusant, de Johnny Depp et la transformation de Peter Sellers-eque en dรฉtective de police qui arrive en retard.
17. Slice (2018)
Slice d’Austin Vesely joue le rรดle du pilote d’une รฉventuelle sรฉrie tรฉlรฉvisรฉe. Ce n’est pas parce qu’ร la fin, on aimerait qu’il y en ait plus, mais parce que le film est tellement embrouillรฉ dans ses fils narratifs qu’on est sรปr qu’il a รฉtรฉ annulรฉ avant que d’autres talents ne soient gaspillรฉs. C’est dommage parce que le concept de Slice est trรจs attrayant. Il s’agit d’une comรฉdie d’horreur sur une petite ville oรน les fantรดmes marchent parmi les vivants comme des citoyens de seconde zone, oรน les sorciรจres sont des promoteurs immobiliers arrivistes et oรน le loup-garou local est un vรฉgรฉtalien chinois livreur de nourriture mal jugรฉ, jouรฉ par Chance the Rapper, sur papier cela se lit comme hilarant.
Malheureusement, la pellicule actuelle est mince comme du papier. Suivant vaguement une sรฉrie de meurtres infligรฉs aux livreurs d’une pizzeria pourrie, le film ne dรฉnoue jamais ses fils emmรชlรฉs et nouรฉs sur les fantรดmes et les humains vivant cรดte ร cรดte, ou les sorciรจres manipulant la politique locale de la ville dans une tentative d’embourgeoisement dรฉmoniaque. Et plus accablant que sa Porte de l’enfer, c’est que rien de tout cela n’est trรจs drรดle. A seulement 83 minutes, Slice ressemble ร une รฉternitรฉ d’attente pour une pizza qui n’arrive jamais.
16. In Fabric(2018)
En ce qui concerne les films d’horreur, TO a certainement fait de son mieux pour (surtout) s’รฉloigner des tropes traditionnels des vampires, des zombies, des loups-garous et des tueurs masquรฉs. Ainsi, la sociรฉtรฉ a attirรฉ des talents comme le cinรฉaste britannique Peter Strickland, qui a suivi l’atmosphรฉrique Berberian Sound Studio (2012) et l’รฉrotique The Duke of Burgundy (2014) avec cette รฉtrange histoire de robe hantรฉe.
Le vรชtement en question est un numรฉro rouge qui passe d’un propriรฉtaire ร l’autre, laissant dans son sillage une traรฎnรฉe de mort et de destruction. Heureusement, Strickland en joue beaucoup pour rire, rรฉalisant intelligemment qu’une robe sensible pourrait mettre ร l’รฉpreuve la patience du plus grand fan d’horreur. Le film brรปle lentement, mais Strickland trouve le juste รฉquilibre entre humour bizarre et horreur surrรฉaliste pour faire sortir de son รฉtrange prรฉmisse ร la fois des rires et des moments vรฉritablement sinistres. – Don Kaye
15. Le monstre (2016)
Le monstre de Bryan Bertino est un personnage รฉtrange ร inclure dans cette liste, ne serait-ce que parce qu’il s’agit d’une crรฉature archรฉtypale qui n’a guรจre plus ร dire que “boo”. Comparรฉ ร d’autres films d’horreur sortis par A24, cela peut sembler lรฉger, mais lorsque Le Monstre fonctionne, son hululement est parfois sanglant.
Centrรฉ sur une mรจre et sa fille coincรฉes la nuit sur une route de campagne avec une bรชte obscure dans les bois, essayant de monter dans leur voiture en panne, Le Monstre aurait pu รชtre produit sous la forme d’un B-schlock dans les annรฉes 80. Il y a deux raisons pour lesquelles il est prรฉfรฉrable : Premiรจrement, le film s’appuie sur l’utilisation atmosphรฉrique des ombres et des silhouettes par la directrice de la photographie Julie Kirkwood – qui adopte l’approche “moins c’est plus” de Steven Spielberg dans le cadrage du monstre – et deuxiรจmement, il y a la plongรฉe tรชte baissรฉe dans le dรฉsagrรฉment de Zoe Kazan. Jouant une jeune mรจre qui ne s’intรฉresse guรจre ร sa fille ou ร son bien-รชtre, Cathy de Kazan rรฉvรจle en un clin d’ลil une apathie cruelle bien plus asservissante que les attaques du monstre titulaire dans le prรฉsent.
Hรฉlas, le troisiรจme acte se transforme en pure pulpe lorsque la crรฉature sort de l’ombre, et le nombre de personnages et de corps est inutilement augmentรฉ. Pourtant, l’effet de certaines scรจnes d’attaque et l’exploration nuancรฉe de Kazan d’une mรจre qui ne parvient pas ร s’impressionner elle-mรชme, font du Monstre un film qui en vaut la peine.
14. The Hole in the Ground (2019)
Il est difficile d’รชtre un parent isolรฉ. รtre parent isolรฉ est plus difficile lorsque votre enfant se transforme soudainement en monstre et que vous devez en assumer les consรฉquences. Telle est l’intrigue de The Hole in the Ground, le refroidisseur solide mais vaguement dรฉcevant de A24.
Le premier album de Lee Cronin a peut-รชtre atteint tous les bons rythmes de panique parentale, convoquรฉ quelques performances dignes d’intรฉrรชt, et collรฉ le mystรฉrieux atterrissage sans fin, mais il souffre toujours par rapport aux autres efforts de TO car les fans du genre ont dรฉjร tout vu. Le film, qui passe une bonne couche de peinture sur ses influences, de Don’t Look Now ร The Babadook et au-delร , rehausse son thรจme assez standard d'”enfant changeant”, mais ce faisant, il nous laisse aussi beaucoup trop de place pour respirer alors que nous devrions suffoquer sous le poids de la tension entre la mรจre en spirale de Seรกna Kerslake et son fils dรฉmoniaque.
Le rรฉsultat ? Une horreur moyenne que vous รชtes plus susceptible de dรฉcrire comme “assez bonne” plutรดt que “gรฉniale”. – Kirsten Howard
13. Life After Beth (2014)
Quand une relation est terminรฉe, c’est fini et ce n’est plus jamais pareil si vous y retournez : C’est le thรจme central de Life After Beth, une comรฉdie de zombies sur le passage ร autre chose. Dane DeHaan joue le rรดle de Zach, un garรงon dรฉvastรฉ aprรจs la mort de sa petite amie Beth (Aubrey Plaza). Mais lorsqu’elle revient d’entre les morts de faรงon inattendue, les choses ne vont pas trรจs bien. Est-ce parce que la relation a suivi son cours ? Ou est-ce parce qu’elle se transforme peu ร peu en un monstre mort-vivant affamรฉ de chair ? Dans les deux cas, les choses ne peuvent pas continuer…
Une comรฉdie lรฉgรจre avec un solide casting de soutien (Molly Shannon, John C Reilly, Anna Kendrick, Paul Reiser) Life After Beth a fait ses dรฉbuts ร Sundance en 2014. Bien que les comรฉdies romantiques de zombies soient plutรดt rares de nos jours, celle-ci se distingue par ses performances et certains dรฉcors comme celui de la zombie Beth en randonnรฉe avec un four attachรฉ sur le dos.
12. The Blackcoatโs Daughter (2015)
Comme je dirais que c’est le joyau d’horreur le plus sous-estimรฉ du catalogue de A24, The Blackcoat’s Daughter est une mรฉchante subversion des tropes d’horreur qui profite du fait que l’on en sait moins sur son histoire. Il suffit de dire que le film est une marche lente vers la perdition racontรฉe en triptyque. Avec trois protagonistes, le scรฉnariste-rรฉalisateur Oz Perkins, qui en est ร sa premiรจre expรฉrience, navigue entre les perspectives de Kat (Kiernan Shipka), Rose (Lucy Boynton) et Joan (Emma Roberts).
Il est facile de voir comment les deux premiรจres se croisent, Kat et Rose รฉtant les deux seules filles de leur pensionnat catholique dont les parents ne sont pas venus les chercher pour les vacances d’hiver. La faรงon dont leur long week-end se rattache ร l’auto-stop sรฉparรฉ de Joan ร travers une partie enneigรฉe de l’Amรฉrique n’est pas immรฉdiatement claire, mais le sentiment bouillonnant de dรฉsespoir dans les trois rรฉcits est omniprรฉsent, mรชme avant que Rose ne lui donne forme en mentionnant la lรฉgende urbaine des nonnes adorant le Tรฉnรฉbreux dans la chaufferie en dessous.
The Blackcoat’s Daughter fait commerce d’archรฉtypes de l’horreur, mais creuse ensuite plus profondรฉment en rรฉvรฉlant des complexitรฉs fรฉminines inexploitรฉes dans des rรฉcits dรฉjร bien usรฉs oรน les jeunes femmes ne sont que des vaisseaux ou des victimes. Se dรฉroulant comme un cauchemar รฉveillรฉ, l’atmosphรจre onirique de Perkins est rรฉservรฉe au patient, mais son point culminant est si choquant et si effrontรฉment subversif qu’il demande ร รชtre rรฉexaminรฉ lorsque l’รฉtendue de sa dรฉsolation deviendra claire.
11. Climax (2018)
On pourrait soutenir que chacun des cinq longs mรฉtrages rรฉalisรฉs par le cinรฉaste argentin Gaspar Noe, y compris des titres controversรฉs tels que Je suis seul, Irrรฉversible, et Entrez dans le vide, a รฉtรฉ en quelque sorte un film d’horreur. Les films de Noe sont souvent remplis de nihilisme, de dรฉsespoir et de terreur existentielle, avec mรชme l’acte sexuel dรฉcrit comme une invasion souvent violente au lieu d’une expression d’amour.
Ayant dit cela, Climax est clairement la tentative la plus formelle de Noe dans le genre ร ce jour, alors qu’une troupe de danseurs isolรฉs dans une รฉcole abandonnรฉe commence ร souffrir des effets du punch enrichi de LSD lors d’une fรชte d’aprรจs-rรฉpรฉtition. Comme on pouvait s’y attendre, les roues se dรฉtachent rapidement alors que les danseurs assemblรฉs se violent, se battent, se torturent et s’entretuent tout au long de cette nuit horrible et de plus en plus frรฉnรฉtique. – NSP
10. Saint Maud (2020)
Le premier film de Rose Glass voit une jeune infirmiรจre pieuse (Morfydd Clarke) qui croit que Dieu lui parle directement, en mission pour sauver l’รขme de sa patiente mourante (Jennifer Elhe). Saint Maud est un mรฉlange d’horreur psychologique, religieuse et corporelle sur fond de ville balnรฉaire dรฉlabrรฉe qui joue sur le rรฉalisme social hallucinogรจne.
Clarke, dans le rรดle de Maud, est une femme d’une grande lรฉgรจretรฉ d’esprit, ร l’esprit troublรฉ, mais elle reste une guerriรจre fรฉroce qui fait ce qu’elle croit รชtre l’oeuvre de Dieu depuis l’humble taudis de sa maison. Alors que Maud punit son corps au service de son esprit, sa patiente, Amanda, cรฉlรจbre le sien alors qu’il la laisse tomber. En tant qu’ancienne danseuse, elle va boire, fumer et aimer dans ses derniers jours.
Le premier album de Glass est beau et puissant, avec une partition, des visuels et un dรฉcor qui contribuent tous ร un sentiment d’inquiรฉtude qui se transforme en une conclusion euphorique/horrible. Un film inoubliable qui montre que Glass est absolument ร voir.
9. It Comes at Night (2017) (2017)
La nature exacte, l’origine et la propagation de la terrible maladie infectieuse qui dรฉchiquette la sociรฉtรฉ dans It Comes at Night ne sont jamais examinรฉes en profondeur ; le film ne s’intรฉresse pas ร l’exploration de la fin du monde ร une รฉchelle รฉpique. Au lieu de cela, il s’intรฉresse ร un petit groupe de personnes trรจs effrayรฉes – deux familles qui comptent Joel Edgerton, Christopher Abbott, Riley Keough et Carmen Ejogo parmi leurs rangs de moins en moins nombreux – qui font de leur mieux pour rester en vie et saines d’esprit.
En ce sens, le titre du film (et, dans une certaine mesure, la faรงon dont il a รฉtรฉ commercialisรฉ) est quelque peu trompeur. Ce qui vient la nuit n’est pas une horde de cadavres ambulants mangeurs de chair, mais plutรดt l’effet froid et insidieux de la peur, du chagrin et de la mรฉfiance. Ces deux menaces invisibles rongent ce qu’il reste de notre moi civilisรฉ.
Le rรฉalisateur Trey Edward Shults (Waves) n’รฉpargne ni rien ni personne dans cette sinistre fable ; au moment oรน elle atteint sa conclusion inconsolable, l’effet cumulatif de ce film calme et dรฉpouillรฉ est dรฉvastateur.
8. Enemy (2013)
Avant de s’attaquer ร des รฉpopรฉes de science-fiction comme Blade Runner 2049 et le prochain Dune, le rรฉalisateur canadien-franรงais Denis Villeneuve a rรฉalisรฉ des drames indรฉpendants et des thrillers psychologiques de moindre envergure. L’un d’entre eux est Ennemi, qui met en scรจne Jake Gyllenhaal dans un double rรดle, celui de deux hommes qui sont exactement les mรชmes physiquement mais qui sont trรจs diffรฉrents par leur tempรฉrament et leur personnalitรฉ.
Basรฉ sur le roman The Double de Jose Saramago (qui a รฉcrit l’horrible roman Blindness), Enemy est moins un film d’horreur qu’un exercice de surrรฉalisme nรฉo-noir. Il est ancrรฉ dans la mise en scรจne froide de Villeneuve et dans deux excellentes performances de Gyllenhaal, qui explore habilement la dรฉfinition de la virilitรฉ, la dynamique homme-femme (alors qu’il navigue entre la femme d’un homme et la petite amie de l’autre), et la nature de l’identitรฉ.
Enemy n’offre pas de rรฉponses faciles et sa fin choquante est trรจs ouverte ร une large interprรฉtation. C’est une premiรจre ลuvre difficile pour un rรฉalisateur qui est devenu l’un des auteurs de science-fiction les plus ambitieux du cinรฉma.
7. Sous la peau (2013)(2013)
L’adaptation libre du roman de Michel Faber par Jonathan Glazer est une รฉtrange bรชte, c’est certain. Dรฉveloppรฉ sur plus d’une dรฉcennie, avec plusieurs premiers rรดles et des scรจnes tournรฉes avec des camรฉras cachรฉes, il met en scรจne Scarlett Johansson dans le rรดle d’un extraterrestre prรฉdateur qui parcourt la campagne รฉcossaise, ramassant des hommes qu’elle attire ensuite dans un รฉtrange liquide noir qui les consume.
C’est un regard convaincant sur l’humanitรฉ ร travers les yeux d’un extraterrestre, dans toutes ses bizarreries : la gentillesse des filles dans les boรฎtes de nuit, l’acte totalement futile d’un homme essayant de sauver sa femme qui se noie et, ce faisant, de mettre fin ร leurs deux vies, les idiosyncrasies des haricots sur des toasts et de Tommy Cooper. Johansson est une rรฉvรฉlation, qui passe inaperรงue dans ses interactions avec des personnes rรฉelles, apportant une authenticitรฉ et plus tard une sympathie douloureuse ร sa performance.
Si la fin est sombre, et qu’il y a des moments de vรฉritable horreur, il y a de la lรฉgรจretรฉ ici aussi, ainsi que quelque chose d’assez profond ร dire sur la nature humaine.
6. Mise ร mort du cerf sacrรฉ (The Killing of a Sacred Deer) (2017)
Le cinรฉaste grec Yorgos Lanthimos, dรฉjร auteur de l’รฉtrange, du surrรฉel et de la sombre satire qui prรฉcรจde The Favourite, vu dans The Lobster de 2016, est passรฉ en mode horreur pour ce rรฉcit implacable de vengeance surnaturelle dans lequel un chirurgien (Colin Farrell), sa femme (Nicole Kidman) et leurs enfants doivent payer pour la mort d’un homme que Farrell a perdu lors d’une opรฉration.
L’impulsion de tout cela est le fils de l’homme, Martin, jouรฉ par Barry Keoghan dans l’une des reprรฉsentations les plus troublantes de ces derniรจres annรฉes. Farrell et Kidman sont tout aussi dรฉrangeants, car leur travail dรฉlibรฉrรฉment guindรฉ dans la premiรจre partie du film laisse place ร la prรฉsentation des fissures de leur faรงade familiale apparemment parfaite.
The Killing of a Sacred Deer est l’horreur ร l’รฉtat pur : un examen inexplicable de ce qui se passe lorsque l’irrationnel empiรจte sur le rationnel. Il vous laisse รฉbranlรฉ sans une seule frayeur de saut ou un seul effet visuel.
5. Green Room (2015)
Le scรฉnariste/rรฉalisateur Jeremy Saulnier a poursuivi son excellent long mรฉtrage, Blue Ruin 2013, avec ce thriller tendu, plein de suspense et d’รฉpouvante, qui se dรฉroule dans les environs crasseux et moites d’un club punk rock isolรฉ. Lร , un groupe de hardcore en tournรฉe ร micro-budget dans le nord-ouest du Pacifique rรฉussit ร se faire maquiller aprรจs l’annulation de leur spectacle original, mais dรฉcouvre ร leur grande horreur que le bar est un lieu de rencontre des tenants de la suprรฉmatie blanche… et qu’ils viennent d’assister ร un meurtre en prime.
Il n’est pas surprenant que Saulnier fasse ressortir le maximum de tension de la situation puisque Blue Ruin รฉtait un travail si accompli. Ce qui est surprenant, c’est de voir le capitaine Picard lui-mรชme, Patrick Stewart, jouer le chef nรฉo-nazi local avec une malveillance aussi crรฉdible et discrรจte. Le reste de la distribution, y compris le tristement cรฉlรจbre Anton Yelchin et le toujours fiable Imogen Poots, est tout aussi efficace pour faire de ce spectacle un tour de montagnes russes exceptionnellement intelligent et intense.
4. Midsommar (2019)
Le jeune rรฉalisateur Ari Aster a rรฉalisรฉ deux films d’horreur trรจs diffรฉrents pour A24, pratiquement ร la suite de Hereditary et Midsommar, et a parlรฉ de la dรฉpression nerveuse et รฉmotionnelle qui a suivi grรขce ร cette entreprise presque impossible. En consรฉquence, Midsommar a รฉvoluรฉ vers ce qui pourrait รชtre considรฉrรฉ comme un “second album difficile”, qui a rรฉussi ร exorciser certains de ses dรฉmons personnels pour le divertissement et le malaise d’un public intriguรฉ.
Ce chef-d’ลuvre ambitieux et troublant sur la lutte d’une jeune femme pour surmonter un traumatisme alors qu’on attend d’elle qu’elle accomplisse simultanรฉment le travail รฉmotionnel consistant ร maintenir une relation infรฉrieure ร la norme est devenu un revers visuel de l’obscuritรฉ hรฉrรฉditaire, crรฉant un monde lumineux et horrifiant plein de fleurs, de pรขturages verdoyants et de rituels paรฏens organiques qui se combinent tous dรฉlicatement pour nous prรฉsenter une tasse bien chaude d’รฉnergie “bonne pour elle”.
Bien que la dispute sur la supรฉrioritรฉ de Hereditary ou Midsommar ne finira probablement jamais, ce conte populaire souvent hallucinogรจne n’est pas seulement l’un des meilleurs projets d’A24, mais aussi l’un des plus grands films d’horreur de tous les temps, point final.
3. The Lighthouse (2019)
“Depuis combien de temps sommes-nous sur ce rocher ?” C’est une question simple posรฉe par un gardien de phare (ou “wicke”) ร un autre dans The Lighthouse de Robert Eggers. Mais comme tous ceux qui ont vu le film peuvent en tรฉmoigner, sa rรฉponse est presque inconnue. La suite de The Witch est aussi phallique que ce premier film รฉtait fรฉminin, comme en tรฉmoigne la structure titulaire que le vieux marin Thomas Wake (Willem Dafoe) demande constamment ร son nouveau second Ephraim (Robert Pattinson) de garder propre.
Filmรฉ en noir et blanc, et dans un rapport 1.19:1, semblable ร celui utilisรฉ par Fritz Lang pour le film M (1931), le film de tueur en sรฉrie expressionniste, The Lighthouse est imprรฉgnรฉ des anciennes faรงons de faire les choses, ร la fois comme un morceau de cinรฉma et comme une bicoque de mer d’un conte. En tant qu’รฉcrivains, Robert et son frรจre Max Eggers se dรฉlectent du jargon nautique de leurs personnages, en particulier de Dafoe’s Wake, qui est comme une pipe en รฉpi de maรฏs ร laquelle on a donnรฉ des jambes. Pourtant, Dafoe et Pattinson ne descendent jamais dans la caricature ; ils se rรฉgalent plutรดt de leurs personnages sisyphรฉens.
Plus รฉsotรฉrique et ambigu que The Witch, certains pourraient ne pas vouloir classer The Lighthouse dans la catรฉgorie des films d’horreur ร gorge dรฉployรฉe. Mais la mise en scรจne de l’histoire du fantรดme et l’utilisation accrue d’intรฉrieurs claustrophobes et d’extรฉrieurs stรฉriles ne sont pas les mรชmes, tout comme les ouvertures finales du film vers la folie. Exercice magistral de macabre et d’enfer, The Lighthouse confirme qu’Eggers est l’une des voix les plus intรฉressantes qui รฉmergent de sa gรฉnรฉration.
2. The Witch (2015)
Pour apprรฉcier pleinement La Sorciรจre, il faut prรฉciser qu’il y a littรฉralement une sorciรจre dans les bois. Le scรฉnariste et rรฉalisateur Robert Eggers le souligne trรจs tรดt, permettant au public d’entrevoir sa forme dรฉchiquetรฉe et impie alors que la bique sacrifie un nouveau-nรฉ ร Satan. Non seulement cela signale que le film est jouรฉ pour de bon, mais cela supprime รฉgalement toute sorte d’ambiguรฏtรฉ psychologique sur ce qui se passe.
Intensรฉment engagรฉ ร immerger le public dans la vie quotidienne et les dreads nocturnes des puritains du 17รจme siรจcle, The Witch est imprรฉgnรฉ d’une anxiรฉtรฉ profonde pour les entitรฉs surnaturelles qui pourraient empoisonner vos rรฉcoltes, ou vivre dans chaque bosse entendue dans le noir de la nuit. Avec un ลil mรฉticuleux pour les dรฉtails historiques, Eggers crรฉe la meilleure approximation cinรฉmatographique des calvinistes jamais mise ร l’รฉcran, et ce faisant, permet aux spectateurs ร la fois de vivre avec les superstitions du Tรฉnรฉbreux prenant la forme d’animaux, et de juger ceux qui sont obsรฉdรฉs par lui.
For The Witch est รฉgalement une รฉtude de personnage dรฉconcertante sur une famille qui se dรฉsintรจgre sous nos yeux, et qui laisse ses prรฉjugรฉs et ses rรฉpressions patriarcales la conduire vers la damnation. Avec un ensemble d’acteurs captivants, dont le tour de force d’Anya Taylor-Joy dans le rรดle de Thomasin, le puritain qui cherche dรฉsespรฉrรฉment ร rester pur, le film se prรฉlasse dans sa dextรฉritรฉ avec un anglais moderne prรฉcoce. Tout cela augmente la tension jusqu’ร un troisiรจme acte transcendant, qui peut รชtre lu ร juste titre comme une รฉtreinte de dรฉsespoir ou une extase libรฉrรฉe, selon la personne ร qui l’on demande. Plus qu’un grand film d’horreur, La Sorciรจre est carrรฉment l’un des meilleurs films amรฉricains produits au cours de ce siรจcle.
1. Hรฉrรฉditรฉ (2018)
Les dรฉbuts d’Ari Aster en tant que rรฉalisateur sont devenus une sorte de rรฉfรฉrence pour les films d’horreur d’un genre particulier, que l’on veuille les qualifier d'”รฉlevรฉs”, d'”artistiques” ou autre. Quel que soit le nom qu’on lui donne, Hรฉrรฉditaire est un dรฉbut exceptionnel et une ลuvre รฉcrasante et oppressante sur une famille maudite et chargรฉe de chagrin.